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Islande 4 : Sur la lune, rencontres avec les touristes, prendre langue avec l'autochtone, B612 décolle

Michel RAVITSKY

Ce n’est plus tout à fait la terre

Je ne parlerai pas de Jokulsarion, Reykjanes ou de Dirolhaey. Reportez-vous à Face de bouc, rien à rajouter. Mais d'autres aventures sont à narrer...

Cet après-midi du samedi de Pentecôte, nous avons décidé avec Jean-Marc, d’explorer le Landmanalaugar. Du coup branle-bas de combat. Je répare ma portière qui ferme mal, donc qui fait des courants d'air et provoque des entrées de poussière. Énorme ravitaillement, de quoi tenir un siège des fois que la neige nous bloque quelque part à l'intérieur des terres. Et enfin grand ménage, aussi bien de B612, que de son habitant principal. Pour l'habitant ce fut un long séjour dans la piscine municipale. Il n'y a pas 100 habitants dans la petite ville où nous étions, mais il y a une luxueuse piscine dotée d'un bassin principal de 20 mètres à une température de 20 degrés, le tout en plein air, et de deux petits bassins, un à 35 degrés et l'autre à 40 degrés. Ce dernier est en plus doté d’un jacuzzi plutôt violent. Moi qui ne pratique pas ce genre d'activité, j'avoue avoir bien passé un quart d'heure à me faire tchaoupiner la couenne pour mon plus grand bonheur. Une fois B612 dépoussiéré et après avoir consulté la maison des gardes du parc national du Vatnajökull, nous appareillons sous un soleil radieux, qui ne nous quitte plus depuis notre arrivée. Et aujourd'hui on a dû battre des records de température car j'ai passé toute la journée en t-shirt sous un soleil assez fort pour bronzer, voire cramer.

Islande, désert du centre : Il y a des lieux qui ont une puissance tellurique que l'on ressent immédiatement.  Par exemple la cathédrale de Chartres, ou bien le domaine de Chambord, ou encore la Sagrada Familia ou le théâtre d’Epidaure. Sans parler des égouts de Paris 😉…Eh bien, le Landmanalaugar est de ces lieux, dans lequel on rentre avec un sentiment à la fois d'être grandi, mais aussi avec beaucoup d'humilité. Comme dans une forêt ou une cathédrale, on n’a pas envie d’y parler à voix haute (moi en tous cas) car la présence du lieu vous écrase un peu.

Et ce soir nous sommes dans l’antichambre du Lieu dans un camping où 3 voitures seulement sont présentes. Demain nous partirons vers 6h du matin pour voir la cascade d’Eldgja avant que d'autres touristes la polluent par leur présence. Ça peut paraitre prétentieux et méprisant d’écrire cela, mais je ne goute mon harmonie avec la Nature que seul. Pas seulement avec la Nature. Je crois que je deviens de plus en plus sauvage, mais aussi davantage sociable et aimant les gens, mais à condition de pouvoir choisir quand je peux/veux les rencontrer.

 

Le temps de rentrer dans le centre et les pistes pour 4x4 est donc venu et ça me titille, même si toutes les routes sont loin d’être ouvertes. Après une journée à Eldgja, nous avons finalement décidé avec JM, après avoir échangé avec les Rangers, d’attaquer le Landmanalaugar par l’ouest car l’accès par l’Est ne sera pas ouvert avant le milieu de la semaine. Le Landmanalaugar, c’est le saint des saints de l’Islande, la zone centrale, hyper désertique, où les couleurs de roches sont les plus riches. Paysages lunaires qui ont du reste servi à la NASA durant la préparation des missions APOLLO. Mais zone fréquentée par les trekkeurs, et les maxi 4x4 islandais promène touristes avec des roues de 1,50 m de diamètre … Apres deux heures de route sans intérêt, nous obliquons vers le Nord et entrons dans ces terres du Milieu. Minéral. Martien. Ailleurs. Des couleurs. Et toujours ce soleil qui nous voit en T shirt et vitre ouverte… quand la poussière de la route n’est pas trop envahissante. Car le vrai ennemi n’est pas le manque de douches mais la poussière, surtout avec le temps sec que nous avons (mais on ne va pas se plaindre). Fine, noire, elle s’insinue partout et oblige à des nettoyages fréquents à la balayette voire à la lingette, à secouer les draps et la couette qui heureusement est grise et cache ainsi la misère. La lingette pour fesses de bébés fait merveille et sa couleur, au bout de 10 secondes d’usage, est sans équivoque. Noir c’est noir mais il y a de l’espoir.

Ces paysages sont d’une beauté et d’une pureté sublime et étrange. Pourquoi sont-ils aussi émouvants ? car la gorge se serre… Il n’y a pas d’arbre pourtant, pas un seul, peu de vie animale (une souris près du campement) quelques rares oiseaux (rien à manger pour eux) Et pourtant on est saisi. Peut-être notre mémoire reptilienne des débuts de la vie ? Peut-être avons-nous emmagasiné, dans un coin de notre cerveau, la mémoire inconsciente, le BIOS des espèces dont nous sommes issus. Je ne peux m’empêcher de trouver dans les parades amoureuses des oiseaux, dans les relations des fleurs aux insectes, quelque chose qui rappelle autre chose de très humain. Regardez un pigeon se pavaner devant une pigeonne et Aldo Maccione dans « l’aventure c’est l’aventure » : c’est pareil. Quant aux réactions de certaines dames…. Bon, j’arrête de me prendre pour Henri Laborit et je reviens à l’Islande. Parlons mécanique et conduite automobile

Nous avons passé des gués un peu plus sérieux que les flaques de ces derniers jours. Et même secouru un brave touriste qui avait planté son Duster au milieu d’une petite rivière. Je me familiarise avec la technique du passage de gué. Différentiel bloqué, vitesse courte, le Defender est un passe partout. En discutant avec des touristes, nous (Jean Marc et moi) sommes surpris de leur naïveté, ou plutôt de leur inconscience. Au moins trois personnes nous demandent pourquoi les routes sont fermées et aucune ne connait l’existence du website très bien fait sur l’état d’ouverture des routes islandaises. Une Ranger nous complimente d’avoir eu le reflex de venir la voir pour nous renseigner, elle n’a visiblement pas l’habitude de voir des gens comme nous et nous raconte les mêmes histoires que les guides de la Vanoise me racontaient il y a 30 ans à propos des gens qui vont se promener en tennis sur les glaciers, ou qui, malgré les multiples mises en garde, emmènent une voiture normale sur des pistes pour 4x4.

Un couple avec qui nous échangeons en faisant le plein, qui a loué un 4x4, ne sait pas utiliser le blocage de différentiel, et encore moins ce que c’est. C’est logique de ne pas le savoir, mais quand on part en Islande, ça fait partie des choses qu’il vaut mieux connaitre un peu. Un autre, arrivé près de la cascade d’Eldgja, s’étonne et est presque mécontent que la route n’aille pas jusqu’à son pied. Il ne faut faire que 2 km pedibus sur un terrain parfaitement plat pour y arriver, mais c’est trop pour lui. Le tourisme massif que l’Islande a choisi de développer pour l’aider à sortir de la crise de 2008 amène ici des gens qui pensent qu’il suffit de signer un (gros) chèque pour pouvoir tout faire. Or c’est un pays et une nature qui demandent un peu de respect et une certaine préparation. Mais consommation et préparation ne riment pas….

Où enfin je prends langue avec les autochtones

Samedi soir au camping, près de la cascade Eldgja où j’étais le seul client (situation que j’affectionne), grande discussion avec le tenancier. Ça a commencé parce qu’il me disait qu’après avoir beaucoup lu sur la dernière guerre mondiale, il s’attaquait à la première. Je lui raconte les monuments aux morts des petits villages de France et lui dis que l’Europe avait été la réponse intelligente à ces deux tueries. Il m’avoue être un europhile convaincu et parmi les (rares) partisans de l’entrée des pays nordiques dans l’UE. Dans mes bras mon gars ! oh que oui ce serait bien, vous nous apporteriez la probité et le vrai niveau relationnel entre la classe politique et les citoyens, lui réponds-je. Et du coup il me raconte la crise de 2008, la privatisation des trois banques islandaises et le crash financier qui s’ensuivit. Or cette crise avait été un avatar d’un benchmarking chez Maggy Thatcher, dans une période où l’Islande se rapprochait de l’UE , ce qui a guéri bon nombre d’islandais de l’européanophilie. Car l’UE est marquée par l’idéologie ultralibérale, et c’est cela qui la mine. N’oublions pas que notre alcoolo N°1, Junkers, président de l’UE, a été l’homme qui a transformé, avant d’occuper sa fonction actuelle, le Luxembourg en paradis fiscal…. Mon hôte me dit, ce qui me surprend un peu, à quel point il trouve ses compatriotes individualistes. Bienvenue au club ! Franchouillards, Islandais même combat ? Bref une rencontre intéressante, une personne avec qui j’aurais bien passé plus de temps. Mais je reviendrai peut-être à Eldgja à la fin du tour dans le Landmanalaugar

Après midi du 11. Quel est le crétin qui a écrit il y a quelques lignes que le Defender était un passe partout ? …

Comme disait Brassens dans « le Gorille », la suite lui prouva que non.

Par ce bel AM, nous partons avec JM explorer quelques pistes dont une qui est semble-t-il ouverte mais dotée d’un panneau dont j’apprendrai par la suite qu’il veut dire « difficile »

Et voilà-t-il pas que le Mimi, qui a vaincu tous les gués et ornières, pentes raides, descentes ravinées et visages avinés, se lance bille en tête. Mais un km plus tard, dans un virage avec une crevasse d’écoulement d’eaux pas usées (mais sèche, la crevasse) (et usée la piste), je découvre les joies du croisement de pont dont mon pote JM m’avait touché quelques mots mais je n’avais pas tout compris et me promettais de le relancer sur ce sujet. Plus besoin. B612 se retrouve avec la roue avant gauche presque en l’air et la roue arrière droite dans un fossé, mais n’en touchant pas le fond. Moi non plus du reste. Je sors, un peu étonné mais confiant en notre seigneur Land Rover tout-puissant, et me dis que ma foi, une accélération en 1°vitesse avec différentiel bloqué et vitesse lente, ça va le faire en deux coups les gros. Que nenni ! je pourrais éventuellement accrocher des pales de ventilateurs aux deux roues lévitantes, mais pas question d’avancer. JM arrive et me dit que voila un très beau cas de croisement de pont. Croisement de pont. Ça veut dire que deux roues de chacun des deux ponts sont non adhérentes et que le blocage de différentiel est aussi inutile qu’une profession de foi d’homme politique. Donc il faut les rendre adhérentes au sol, ces deux-roues-là ! On sort les plaques de désensablement, les miennes d’un rose qui sied fort bien au teint bleu de B612 comme un beau châle sur les épaules d’une jolie femme. Celles de JM sont en métal très costaud, moins glamour certes mais probablement plus efficaces. Mais l’heure n’est pas à la fashion week, je prends ma pelle (en fait celle de JM) et me retrouve dans la posture que j’occupais quand j’avais six ans pendant les vacances d’été sur l’ile d’Oléron où je faisais des châteaux de sable. Le sable est plus noir, il me manque un seau, mais l’ambiance y est. Le jeu consiste à mettre des plaques de désensablement sous les deux roues volatiles. Après une heure, les plaques sont à poste. Essai. Rien ! Gentil, B612, pas bougé ! on se gratte la tête et réalisons que B612 repose à l’arrière sur l’attelage de la boule de remorquage. Et hop, quelques coups de pelle plus tard, B612 s’affaisse (toujours chercher l’affaisse) de 3cm et la roue arrière est dorénavant bien appuyée sur la plaque. Nouvelle essai ; B612 s’ébroue et pousse un hennissement victorieux qui le propulse, avec force mais retenue, hors du trou pervers. On se congratule ! JM a été très pédago, moi je n’ai pas perdu mon calme (on était quand même à 20 km d’un poste de secours et pas de réseau téléphonique). Retour à la case départ, c’est à dire au camping de Landmanalaugar car nous sommes dans un parc national et camping sauvage verboten. Et plus précisément retour à la douche dudit camping, car le bonhomme et le véhicule ont les dents qui crissent dès que ma langue parcourt mes lèvres (pas les siennes), et j’ai une tête de charbonnier. Mais de charbonnier heureux ! Moralité : un Land Rover a certaines limites, j’en ai touché une. Donc dorénavant : avoir le même comportement que les vieux marins vivants : arrondir les caps et saluer les grains. Ne pas avancer en pensant que ça passera toujours, et en cas de doute, descendre du véhicule, pour voir de près par où passer avant de s’y jeter…

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Commentaires
S
Merci Michel de tout ces partages, en fermant les yeux, j y serais presque :-)
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