Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
mievpolou.over-blog.com Québec, Birmanie, Islande, Terre neuve, Norvege, Trois mats, Lisboa, Azores, Pays bas, péniche, canaux

Episode 6 : Un port enfin

Michel RAVITSKY

 

Jeudi 15 juillet

Hier je n'ai pas vraiment défilé. Grasse matinée, puis papotage avec les gens du refuge. C'est cool, tous les touristes sont partis. Dommage que leur guide et leur chauffeur ne soient pas resté, j’aurais bien discuté avec eux. Donc journée plan plan, à se remettre de ses émotions de la veille, à échafauder des itinéraires. Rencontre avec un polonais qui parle à peine anglais et qui traverse l'Islande par les hautes terres en vélo et tout seul. Ça me semble fou ! A ma décharge pas municipale, pour justifier ma journée brassensophile ''le jour du 14 juillet je reste dans mon lit douillet'' le temps est pourri. Vent fort, pluies, nuages bas, 6 degrés. J'inspecte quand même les dessous de B612. Rien à dire, si ce n'est que jamais B612 n'eut un dessous aussi propre. 3 heures de rinçage en programme linge délicat, rien à dire. Au troisième essai d’itinéraire (ici il faut combiner ses envies, les routes ouvertes, et la météo, en somme désirs et contraintes comme partout), je décide d'aller vers une météo clémente. Les vues de Mars c'est bien, mais je suis en manque d'herbe (Ça y est : les stups vont me tomber dessus). Donc cap sur Myvatn, LE lac aux oiseaux. Je vais pouvoir dépoussiérer le Peterson (la bible des zornitos). Et dépoussiérer n'est pas un vain mot car l’intérieur est revêtu d'une fine couche de poussière des pistes islandaises, malgré des nettoyages fréquents. Ce matin départ, après un échange avec les gardiennes du refuge et la Ranger qui me demandent si j'ai un chauffage dans B612. Parce que elles, dorment sans chauffage. (elles auraient dû demander ça hier...) ET elles y passent l'été. Mais leur chauffage est en cours d'installation. Un petit gué pour commencer. Pas dur, un peu comme le dernier. Justement... Serrage de fesse un peu plus intense, mais pour rien. Piste très propre, la F26, et en plus la pluie a fait que la poussière ne vole plus mais se colle parfaitement sous le châssis. Mon beau châssis tout propre. Bon, mais je vais quand même pas retourner.... Au bout d'une heure, le ciel se dégage un peu, et au bout de deux le panache de poussière refait son apparition : il n'a pas dû pleuvoir dans ce coin. Le vent par contre est toujours là et ne mollit pas. Je passe devant deux cascades superbes dont une avec des orgues de basalte impressionnantes : il y a un tuyau d'orgue qui s'est désolidarisée de sa paroi. Faut appeler le Grand Facteur d'Orgues pour réparer tout ça et ré-accorder.

Ça y est : une vraie prairie avec de la vraie herbe, une vraie ferme, et même de vraies balles de foin. J'arrive dans un coin magnifique, près d'une ferme posée au bord d'un étang où quelques canards s’ébrouent déjà, en promesse des coches à venir. Je demande à la jolie fermière des nouvelles de la route de Myvatn, qui n'est pas trop fréquentée. Pas de problème me répond t-elle dans un anglais parfait. Je décide de me garer là pour le lunch. Et en plus il y a de la 4G ! Une petite sieste peut être ?

Mais l'histoire ne s’arrête pas là. Appels téléphoniques. Fichtre il est 18h ! je retourne vers le bâtiment d'où est sortie ma fermière pour lui demander l'autorisation de passer la nuit au bord du lac.

Mais que vois je en entrant dans le bâtiment ? Du poisson fumé. Ma fermière fume ! Elle est en blouse blanche et quatre personnes s'activent à découper des filets d'un rose orangé sans appel.

  • Mais que fumez vous donc ainsi ?

  • De l'Artic Trout (ce qui me semble être de l'omble chevalier, le roi des poissons de montagne, présent dans les Pyrénées), voulez vous goûter ?

  • Ben ma foi...

Un petit morceau est coupé. Ça fond sous la langue, visiblement l'art de fumer n'a pas de secret pour elle.

  • Et puis je en acheter ?

  • Mais bien sûr. Je vous l'emballe ? (je le suis déjà, mais comme mon frigo a déjà subi les affres du Livarot, cf. épisodes précédents), j'accepte

  • Vous fumez sur place ?

  • Tout à fait. Le fumoir est le bâtiment en tourbe juste à coté

  • Mais avec quoi ? Le bois est rare par ici

  • Je fume traditionnel, Monsieur

  • Mais encore ? (Une démo peut être ?) Mais d'un coup, les fantasmes se brisent net.

  • A la merde de mouton

(Gloups : je viens de payer, plus question de revenir en arrière)

  • Je m'explique, dit-elle. La merde de mouton est récoltée au printemps ou durant l'hiver. On la tasse en briquette, on la laisse sécher un an, et ensuite on peut fumer. Ils faisaient comme ça avant. (voir les sagas, par exemple celle de Njall le brulé, édition Pléiade présentée et annotée par Régis Boyer, le spécialiste français1 incontesté des peuples du Nord, qui engendre des bouddhistes)

Après tout, certains peuples d’Asie centrale utilisent les excréments de chameaux ou d'autres animaux domestiques, les yaks par exemple (bonsoir les joueurs de scrabble), pour faire du feu ou se chauffer, donc pourquoi pas ?

L'anglais est vraiment parfait. Je me hasarde à complimenter et questionner mon hôtesse

  • J'ai passé une petite année à étudier près de New York.

Gagné !

La ferme est une exploitation familiale. En plus des truites, ils ont un élevage de moutons, de chevaux etc... (veaux vaches cochons couvées)... 3 familles vivent dessus, les parents et les enfants, tout ce petit monde est marié, il y a des vélos d'enfants qui traînent devant la ferme. Il y a aussi des 4x4 dont un 4x4 taille L (B612 est rangé dorénavant dans la catégorie ''Playmobil'', juste après les petits Suzuki). Mais surtout il y a un vieux coupé Saab des années 60, qui appartient à un des fils de la maison ; très bel objet en parfait état. Ce soir j'ai sorti la table et la chaise et c'est en Tongs que j'écris ces lignes. Quand je pense qu'hier, j'étais emmitouflé avec le T shirt, le pull, la polaire, et le coupe-vent... et le bonnet péruviano-islandais... Cette nuit ce sera doigts de pieds en éventail.

Avec moi le refrain : « Islande terre de contrastes »

Ma seule crainte : les moucherons. Pourtant j'ai pris ma douche, et l'intérieur de B612 ne sent pas le scout. Mais ces animaux sont très sociaux....

 

Lundi 19 Juillet. Très belle arrivée depuis Stokakot sur Myvatn, par une piste peu fréquentée (et même parfois difficile à deviner tant les traces de pneus sont ténues), avec de jolis petits gués. Myvatn et surtout Reykhalid sont soumis à la pression touristique. Je resterai deux jours, au camping. Le temps de laver le bonhomme et aussi la voiture, que la poussière a bien envahi. Petits tours autour du lac, mais à part un Plongeon que je ne pourrais photographier, je ne vois que des canards assez courants, courant vite du reste car ils sentent qu'il reste encore un peu de confit à bord. La météo est exceptionnelle, je suis en T shirt et, quand je suis au camping, qui a l'avantage d’être sur l'herbe, je mets mes tongs. Je commence à reprendre le rythme islandais de 2019. La lumière (quand il fait beau...) est superbe après 17 h jusque vers minuit. Donc, être dehors à ces heures. Dormir jusque vers 4 heures et ensuite profiter de la lumière du matin jusque vers 11 h. Puis sieste compensatrice et activités libres. Ça va être dur de reprendre le rythme en septembre...

Changeons un peu des photos de vehicules bleu !

Hier je décide de quitter Myvatn pour Asbyrgi, où en 2019, j'avais vécu des moments superbes en photographiant des bécasses des marais, seul au bord d'un lac entouré de hautes falaises, endroit plein de légendes de trolls et elfes. Il faut dire que la morphologie du lieu se prête à toutes les imaginations. Le lac et les falaises sont toujours là mais... Ne jamais revenir où on a passé de bons moments. J'arrive sur le lieu et …. déception, je suis dans un parking bondé !!! C'est dimanche, il fait beau, c'est Juillet et entre les touristes et les Islandais, c'est un va et vient incessant. Je resterai à peine une heure, non sans avoir revu la famille (qui s'agrandit) de garrots islandais, déjà photographiée sous toutes les coutures il y a deux ans. Départ pour une source chaude que Carole m'a indiquée, et je décide, pour y accéder, de chercher une piste qui est sur la carte, mais dans quel état est-elle ? A l'endroit de la bifurcation je m’enquière auprès d'un autochtone en train de poser de la laine de verre dans ce qui ressemble à une maison de vacances. Déception. La source est toujours là mais, une centrale géothermique a été construite et walou la baignade ! Bon, c'est la série. Alors je décide de longer la péninsule jusqu'à Husavik puis Akureyri en évitant le tunnel (puisque j'ai le choix et qu'en plus, venir en Islande pour voir des parois de tunnels, c'est ben plate, comme dirait un de mes amis québecois, car ce n'est pas pour me vanter mais j'ai des amis québecois -coucou Desproges-...). Bien m'en pris car l'arrivée par la crête sur le fjord de Akureyri par une lumière ensoleillée de 22 heures est somptueuse.

Ensuite une fois passée la ville (j'y retournerai plus tard, à des heures plus chrétiennes) cap sur Siglufjordur. Et là pas le choix. Trois tunnels dont un de 7km. Arrivée à une heure du matin. Dodo.

Réveil sous un crachin très breton... et pas prévu par la météo

Je suis dans un port. Et ça fait du bien ! Magie de ceux qui viennent d'ailleurs, de ceux qui vont repartir derrière l'horizon, vers le Spitzberg ou le Groenland. Déjà l'entrée (qui est aussi la sortie) du fjord d'Akureyri etait une invitation à l'ailleurs...

Siglo (pour faire local) est une ville qui m'est chère, à cause du roman Karitas, qui raconte la vie quotidienne au tournant du 20° siècle, lorsque les ouvriers, pas encore syndiqués, pouvaient faire des journées de 18 heures lorsque le hareng était abondant. Les mains qui passaient des journées entières dans la saumure (pas de gants) avaient la peau à vif, et la douleur était tellement aiguë que même après 18 heures de travail, on ne pouvait s'endormir. Les temps ont changé. Ce matin un énorme chalutier pêchant par l’arrière (et construit en Espagne) décharge sa prise après 7 jours en mer. Balais incessant des Manitou qui déchargent d’énormes caisses en plastique de poissons, triés impeccablement par espèce. Sur le bastingage, les mouettes à tête noire (pen duick) attendent sagement et bien alignées la possibilité d'une viscère tombée. Mais un cerf volant-épouvantail en forme de gros oiseau les en dissuade , et cela semble efficace. Je discute avec les mareyeurs et avec les marins. 6 hommes d'équipage, c'est peu pour un si gros canote. Pêche proche des cotes, à environ 8 heures de route de Siglo. 60 tonnes de poisson, très bonne semaine. Tout est automatisé à l'arrivée, personne ne touche un poisson. Les seuls qui l'ont fait sont les marins pour le tri et le vidage, à la remontée du trait de chalut. Chaque caisse fait environ 300 kg (donc 200 caisses débarquées) et tout est pesé près d'un local qui doit être celui des autorités contrôlant les quotas. Car j’espère qu'il y en a … Le poisson est vendu sur Internet et part partout dans le monde. Les temps ont changé. Pour le mieux des conditions de vie et de travail, mais pas que... Le ciel est toujours bouché et je décide d'aller voir un musée des instruments de musique et du folklore islandais. Ce soir je dois être à Varmahild pour rendre visite à Élisabeth, Torfi et leurs parents dans leur nouvelle maison. J'ai le temps. La météo devrait s'arranger dans l'après midi... la descente par la cote Ouest de la péninsule promet d’être belle et un peu de soleil ne gâcherait rien !

1Pour ceux qui veulent creuser le thème de l'histoire de l'Islande, je recommande la lecture des sagas avec cet accompagnateur car l’introduction est vraiment intéressante, les notes en bas de page éclaircissantes, et chaque saga est munie d'une notice qui la contextualise. Enfin, un index thématique est un puits d'information sur toute la vie quotidienne du temps des sagas. 1500 pages quand même...

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commentaires