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mievpolou.over-blog.com Québec, Birmanie, Islande, Terre neuve, Norvege, Trois mats, Lisboa, Azores, Pays bas, péniche, canaux

La croisière blanche N°5 : dans les écuries du Père Noel

Michel RAVITSKY

16 Avril

Bienvenue à Niksund. Si vous regardez sur Google Maps, c’est un coin paumé de chez Paumé. Un petit port très bien protégé, des maisons multicolores (les norvégiens ont la fâcheuse tendance à peindre leur maison de la même couleur, un bel ocre rouge foncé certes, mais qui rend les villages un peu monotones parfois).

Maisons de Nyksund

On sent que le tourisme estival doit être assez développé mais pour le moment je suis seul dans mon hôtel avec un couple norvégien plutôt sympa. L’hôtel est un ancien Magasin Général, au sens où les québécois l’entendent, un « trading post », réaménagé avec beaucoup de gout et une fois n’est pas coutume, sans trop sacrifier au look « Ikea désinfecté ». Hier soir le ciel était très dégagé, la lune était montante et je me suis dit que, peut-être, il y aurait aurore boréale cette nuit. Donc j’ai mis le réveil à 1h puis à 3h. Rien. Mettre le réveil pour rien ici, c’est l’horreur boréale. Le ciel n’est plus complétement noir la nuit, le jour permanent est pour bientôt. Et évidemment que les aurores boréales sont des dames réservées, qui ont besoin de l’obscurité pour charmer le voyageur.

Au matin en bavardant avec un norvégien à qui je raconte ma folle nuit d’horreur boréale, ce dernier m’apprend qu’il existe une application pour smartphone qui donne les probabilités d’aurore boréale dans la zone où on se situe, au moyen d’une analyse du vent solaire, combinée avec des relevés transmis par des satellites de la NASA. Le Grand Pan est bien mort et le romantisme prend une grosse claque…

La ballade dans l’archipel continue sans rien de saillant. Cette beauté deviendrait monotone pour un peu. Non… je blague, mais vous savez ce que c’est : les gens heureux n’ont pas d’histoire. Donc rien de bien marquant, je continue à m’en mettre plein les mirettes et FBK suffit, sans commentaire particulier, pour donner un aperçu de ce que j’endure.

le leader de l'écurie du Père Noel

Sauf que, hier matin, il y a eu une rencontre avec une fermière Sami (les lapons) : elle fait visiter sa ferme qui est un élevage de Rennes. Je m’attendais à voir une femme aux traits asiates, apparentée aux Samoyèdes et autres Tchouktes. Nenni. La dame, Laïla, est une accorte blonde. Les Sami sont une ethnie aux origines mystérieuses et si leur langue est classée comme ayant un lien avec le finnois, il n’y a d’après notre hôtesse que 1% de mots communs. Donc énigme. Un peu comme nos basques. La génétique en dira peut-être plus un jour. Elle nous raconte tout ça autour d’un feu de bois dans la maison Sami appelé le LAVVUS.

Le lavvus

J’écris nous car il se trouve que je suis mélangé avec un groupe d’espagnols, ce qui me permet de dérouiller mon espagnol pour le plus grand étonnement de mes voisins qui ne s’attendaient pas à trouver un hispanohablante en pleine Borée.

Regnard, le précurseur
Toujours d'actualité, le début en tous cas

Le renne est le fondement de la civilisation Sami, et ils tirent tous les objets et moyens de subsistance de ces animaux. La viande de renne est la seule viande d’animal terrestre qui aie des omega3. Elle nous explique sa méthode d’élevage. Les animaux font des stages de quelques mois à un an ou plus dans les pâturages clos et sont relâchés dans la nature. Certains sont équipés de colliers GPS (vieille technologie laponne), ce qui permet de les retrouver facilement lorsqu’ils faut les réunir. Elles nous montre des objets confectionnés par les Sami. Très beaux.

Chaussures à tout faire : chausson et ski de rando à la fois

Ces chaussures avec la peau dans le sens bloquant comme les peaux de phoques des ski de rando et avec l’avant recourbé pour bloquer la sangle d’attache du ski, ce qui évite de changer de chaussures par -25°C. Ces couteaux avec le manche en bois de renne. Les rennes ont des mœurs très comparables aux cerfs de chez nous (cervus elaphus) sauf que les femelles ont des bois. Je me sens donc à l’aise. Et pourquoi pas un Chambord lapon ? Non ? Alors Cheverny ? Non plus. Alors encore plus petit ? J’ai une idée mais faut que je demande à la châtelaine.

Revenons aux rennes. Même période de rut (le son du brame en moins), même durée de gestation, même période de naissance des faons, même durée de vie. Comme les cerfs, les bois se perdent entre Janvier et Avril et ne commencent à repousser que lorsque la végétation est suffisamment nourrissante.

La patte du renne fait aussi raquette à neige

Le prédateur N°1 du renne en Norvège n’est pas le loup, qui est ici peu répandu, mais l’aigle. Les aigles sont nombreux et n’ont pas peur de s’attaquer aux faons, voire aux adultes. Une de ses femelles a eu un œil crevé par un aigle. Chose importante, les petits ne croissent qu’à la belle saison et absolument pas durant l’hiver car il faut garder toute l’énergie pour chauffer le corps. Bien que, comme les cerfs, les rennes fassent partie de la même bande d’ongulés, ils sont dotés de peau entre les ongles qui leur permettent de faire raquette et de ne pas trop s’enfoncer lorsque la neige est profonde. Les peaux de renne ont des propriétés thermiques excellentes car le nombre de poils au cm² est le plus important de tous les animaux.

A certains endroits du pelage, même avec le doigt, on n’atteint pas le cuir tellement c’est dense.

Les Sami sont peu nombreux, 8000 en Norvège, et sont repartis en quatre pays : Norvège Suède Finlande et Russie. Seuls les Sami ont le droit en Norvège de posséder des rennes et ce droit n’est pas cessible, même au conjoint. Chaque renne est marqué avec des entailles bien codifiées aux oreilles et il y a même une administration qui archive et alloue les entailles (qui sont uniques) à chaque Sami. La carte grise du renne en quelque sorte. Il y a des parlements Sami dans trois des quatre pays (devinez le pays qui n’en a pas) mais les russes sont invités à chaque réunion des trois parlements (une à deux fois l’an). En Norvège, depuis peu, il y a un droit inscrit dans la constitution : chaque enfant Sami a le droit d’avoir des cours dans sa langue, où qu’il soit en Norvège, même à Oslo ou à Bergen. Le problème est de trouver des professeurs, mais grâce à Skype, les cours ont lieu et les devoirs sont envoyés par mail. A la fin de la matinée, nous lapons du bouillon de renne lapon.

Et ça fait des grands slurp ! il faut dire Monsieur que chez ces gens là....

Analogue au bouillon de pot au feu bien de chez nous. Et elle nous gratifie de quelques chants traditionnels Sami, les YOIK.

Laila

Laila voit son avenir et celui de son peuple avec sérénité mais le réchauffement climatique l’inquiète. Par exemple, les tiques qui n’existaient pas dans le grand Nord font leur apparition. Et plein d’autres phénomènes très inquiétants. Une belle rencontre….

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Commentaires
B
Toujours épaté par la qualité des photos.<br /> Je voyage par procuration...
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