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mievpolou.over-blog.com Québec, Birmanie, Islande, Terre neuve, Norvege, Trois mats, Lisboa, Azores, Pays bas, péniche, canaux

Islande 2022 : brisons la glace

Michel RAVITSKY

Lundi 2 Mai :

UN DEPART SUR LES CHAPEAUX DE ROUES ….

Cela fait une semaine que c'est décidé : je retourne dans mon pays de commencement du monde. L'idée était de remettre B612 sur le cargo au départ de Rotterdam. Ça économise 1000 km de conduite, par rapport à l'idée de le mettre sur le ferry qui part du nord du Danemark, Hirsthals, pour être précis , ce qui n'est pas négligeable, Mais le manque de réactivité du département cargo de Smyril fait que, finalement je me rabats vers le ferry. Vendredi, je commande mon billet aller simple le 14 Mai pour Seydifjordur (aller simple car l'idée est de laisser la voiture en Islande pour y retourner à l'automne en hiver, et au printemps : un véhicule étranger a le droit d’être importé temporairement un an en Islande). Lundi matin, message de la compagnie : ferry du 14 complet, mais il reste des places pour le départ du 7 mai. Gloups ! Quelque part ça me soulage de la tristesse d'une fête dont je suis écarté, car au moins je serai sur la route. Certes, les affaires à mettre dans B612 sont dans l'entrée, tout est listé et relisté, la mécanique est enfin révisée (mais sur un Land Rover, le bon état, l'absence de bruits, de fumées, de fuites est un phénomène transitoire...) et plus important, j'ai enfin percé le secret du chauffage qui fume, et en suis devenu expert. Il démarre du premier coup, et ne fume plus du tout : pourvu que ça dure.

Je calcule rapidement. Si je veux m’arrêter à Paris pour saluer la reine mère, il faut que je parte aujourd'hui. C'est possible, mais il ne faut pas traîner. Grande séance de Tetris. C'est toujours pareil. On a l'impression que tout ne rentrera pas. Et à la fin il reste de la place. Je liste où sont rangés les choses dont on ne se sert pas souvent, de manière à ce que le jour où je ne saurai plus, l'ordi vienne à mon secours. Je prends des photos des rangements dans les coffres de toit etc... Et à 16h : contact. Le jeu est de savoir si la consommation a baissé suite aux différentes réparations et changement en préventif. Avec un réservoir additionnel portant la capacité à 110 litres, je devrais faire normalement 1100 km voire plus sans plein.

Première nuit dans les Causses, vers Gignac, dans un endroit hyper calme, près d'un moulin. Ambiance vraiment printanière.

Le lendemain, je passe l'après midi avec ma mère, qui est plutôt en forme (sinon je ne serai pas parti)

Surlendemain Hollande. Et là, premier aléa : sur l'autoroute, je vois un espèce de truc coudé genre raccord de tuyauterie, monter en l'air en tournant sur lui même, faire une magnifique parabole. Il me semble bien que c'est un coude de pot d'échappement, de ceux qui évacuent la fumée vers le haut. Celui là n'évacue pas que de la fumée …. Ce serait encore plus magnifique si la parabole et mon pare brise n'avaient pas un point de contact, plutôt d'intersection ou même d’arrêt, tant le contact fut violent. Rien à faire pour l'éviter. Ça dure deux secondes. Choc : le pare brise est secoué mais pas éclaté. Des minuscules éclats de verre sur le fauteuil d'à coté. Vive le verre feuilleté. L'impact est coté passager donc je peux conduire. C'est mon deuxième pare brise explosé en 5 ans. L'autre fois, une branche maîtresse m’était tombé dessus un jour de très gros vent d'Autan. Là par contre, il m’était impossible de conduire. Bon : que faire ? Téléphone à l'assurance, j'explique la situation et la contrainte Ferry Samedi. Un pare brise de Land, il faut le trouver et se le faire livrer au bon endroit, mais ça ne coûte rien. Pour ne pas me ralentir (nous sommes mercredi), je demande à l'assistance de l'assurance de trouver un réparateur au Danemark. Le premier est surbooké, le deuxième avec qui je parle directement (la belle chose que de se débrouiller en anglais et d'avoir une maîtrise minimale du vocabulaire technique) a justement un seul pare brise en stock (or je n'en ai pas besoin de deux). Tout cela se règle tranquillement au téléphone dans la bonne ville batave de Leuwarden, que je ne connaissais pas et qui est assez jolie.... surtout une fois le RDV confirmé (mais après Monnickendam, tout paraît fade en Hollande).

Rendez vous jeudi matin en l'autre bonne ville de Fredericia, juste après la frontière allemande, coté danois. Ouille ! Faut pas que je traîne. Réunion de crise à bord. Il est décidé à l'unanimité de rouler de nuit et de dépasser Hambourg avant le matin, car la capitale du Hamburger est célèbre pour ses embouteillages. Sage décision car en plus, je constaterai qu'il y a de gros travaux routiers sur les rocades. Jeudi, vers deux heures du mat', je me pose, un peu en vrac, sur un gazon fraîchement coupé (parking plein) après Hambourg. Bonne nouvelle, B612 n'a jamais aussi peu consommé !

Jeudi à 16 h mon pare brise est d'une propreté comme jamais (en voilà un bon plan pour se débarrasser des moucherons) et il me reste du temps pour faire du tourisme jusqu'à samedi matin 10 heures. Départ sur Aarhus, très jolie ville étudiante, mais aussi dotée de quelques édifices conçus par des architectes danois contemporains. Les danois, le design ça les connaît.

Le port d'Aarhus
Rue d'Aarhus

Grâce au Guide vert, je me concocte un petit circuit Jutland et je comprends mieux l'architecture des églises islandaises quand elles ne sont pas en bois (par exemple l’église de Holar , premier évêché islandais, est la copie conforme d’églises danoises que je verrai vendredi. Car l'Islande fut danoise jusqu'en 1945 (et les Faroes le sont toujours). Le Jutland est plus agricole que ce que j'imaginais. Il y a aussi quelques beaux châteaux (densité faible par rapport à celle du Gers), et l’âme de Shakespeare y rode, en particulier dans celui de Storrup, très moyenâgeux et un peu sinistre, mais non sans charme.

La salle de bal
là où Barbe Bleue ne veut pas qu'on aille....

Passage à Lindholm, ville que Harald à la dent bleue (l'inventaire du Bluetooth ou presque -en fait le nom de Bluetooth est un hommage qui lui est rendu et le logo s'inspire de caractères runiques bien connus des spécialistes-) a rendu célèbre car il y a fondé en 989 le royaume de Danemark (où je n'ai toujours pas trouvé où était le « quelque chose de pourri »).

Et puis un repérage à la réserve de Thy, gros point de passage de vols migrateurs.

Bateau de peche tout rond

Le temps est couvert et le vent dru : pas de regret pour les randos. Cette petite ville a un coté station balnéaire genre Royan, avec les Kite et les planches à voile. Jolis bateaux à marottes aux formes très rondes que je n'ai jamais vu auparavant, et qu'on hisse sur le sable car il n'y a pas de port ici. Un endroit où j'ai bien envie de revenir en période migratoire. Le soir me voit débarquer à Skagen, qui fut une cité mise à la mode à la fin du XIX° par toute une pléiade de peintres et poètes, qui avait l'air de bien cohabiter avec les pécheurs. La vie des pécheurs à cette époque, dans une mer parfois épouvantable, à la jonction de la mer du Nord et de la Baltique, devait être éprouvante. Skagen est au niveau de la frontière Skagerak/Kattegat, et si vous voulez encore des mots en K, demandez à l’intérieur ce que vous ne voyez pas en vitrine. La ville est très jolie, un peu touristique (mais ça reste raisonnable) et dotée d'un très belle unité architecturale. Maisons du XIX° toutes peintes du même jaune, des musées que je n'aurai pas le temps de visiter car les horaires ne collent pas avec celui de mon ferry, et de très bons peintres contemporains des impressionnistes (et peut être les connaissant) y ont laissé des toiles superbes. Sur la plage à la pointe, les géniteurs de Marine Le Pen y ont, eux, laissé des traces qui ne s'effaceront jamais: blockhaus aux plafonds d'un mètre d’épaisseur en béton massif, (le Reich avait prévu de durer 1000 ans donc là, on ne cause plus décennale). Quelques uns ont été a moitié ensevelis sous le sable. Plus loin un phare qui fait penser à celui des Baleines sur l’île de Ré, mais avec une couleur grise un peu moche. Soirée douce, gastronomique même : je commence à taper dans les conserves du Duc de Gascogne, et démarre très fort par des cuisses de caille pas crades. Faut bien fêter le pare brise ! Seul dans un parking très arboré qui doit être bondé en été, je lance l'extinction des feux de bonne heure car la nuit hambourgeoise n'est pas encore effacée. Le matin, sous un grand soleil (la nuit fut pluvieuse), après un achat d'un pantalon tous temps en solde (pas le temps), je mets le cap sur Hirsthals, en vue d'un embarquement pour trois jours avec des touristes d'un jour que je ne fréquente pas trop d'habitude : l'ambiance croisière Costa, voire Ponant, c'est décidément pas mon truc ! Coup de chance, je partage ma cabine avec un Suisse qui a l'air sympa et qui me dit s’être acheté une maison en Islande, à vil prix (reste à définir la notion de vil prix pour un Suisse), avec vue sur le Geyser. Va falloir qu'on se cause, mon gars, des fois que tu me donnes des idées (que j'ai déjà). Et puis j'ai des livres à lire, des projets d'aquarelle, donc le temps devrait passer assez vite....

le ventre de Jonas

Ces trois jours auront effectivement passé vite. Quelques lectures. Par exemple celle-ci :

Trouvé chez un bouquiniste en France,  le récit du voyage d'un riche lord écossais sur son yacht en Islande en 1856. Il y rencontrera en baie de Reykjavik, l'Artemise, un vaisseau français qui fit un reportage photo récemment réédité (et qui figure en bonne place dans la bibliothèque du presbytère) et le prince Napoléon à Geysir,  où fut improvisé une petite sauterie en son honneur.  Chacun sait qu'à l'époque, on savait voyager et qu'un Anglais digne de son rang ne se déplaçait pas en terre inconnue sans cuisinier et majordome. Les descriptions sont savoureuses et très édifiantes sur les mœurs et la vie quotidienne de l'époque en Islande. Reykjavik, petite ville de quelques centaines d'âmes aux maisons de bois, mais aux habitants si cultivés et hospitaliers. Et entre autres,  le récit d'une méga murge à l'invitation du gouverneur Danois est un monument d'humour et de retenue so British, sorry, so  Scottish. Enfin, les islandaises lui ont visiblement tapé dans l'œil,  (un homme de goût) mais nous n'en saurons guère plus... Le plus touchant, je partage complètement le sentiment de surnaturel qu'il décrit devant les paysages islandais (voir le texte reproduit ci dessus).  Les récits genre Tolkien n'ont rien d'extraordinaire là bas
Et puis deux compagnons de chambrée intéressants : échanges sympas avec un jeune pédopsychiatre suisse de Lucerne parlant peu le français, et un belge flamand, visiblement renâclant à parler français, qui venait aux Faroes juste parce que, lorsqu'il était à l’école, ces taches de mouches sur la carte des mers du Nord l'ont inspiré au point qu'il se promette qu'un jour il irait explorer lesdites taches de mouches. Et ce jour est arrivé avec sa retraite... et il le fait à vélo avant de monter au Cap Nord On ne dira jamais assez le pouvoir des cartes !

Très breve escale aux Faroes

Mon Suisse m'a donné moult détails sur l'acquisition d'une maison en Islande, et j'en conclus que cela n'est pas pour moi. Dès qu'il a besoin d'un accessoire un peu compliqué (ex : chauffe eau), les prix islandais sont tellement excessifs qu'il va chercher la chose en Suisse. Donc si mon désir de m'expatrier, au moins provisoirement, et/ou peut être à temps partiel, ne fait que s'affirmer depuis 2017 et ce (premier) deuxième tour Macron / Le Pen, (Désir renforcé par la réaction de nombreux français par rapport au COVID, qui appellent défense des libertés ce qui n’est qu'individualisme. Désir encore plus renforcé par les 42% de vote pour le fascisme il y a un mois), je ne sais où aller. Je pense que je vais aller refaire un tour au Québec et à Terre Neuve. Ça fera l'objet d'un autre blog...

Arrivée en Islande sous la neige

 

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