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mievpolou.over-blog.com Québec, Birmanie, Islande, Terre neuve, Norvege, Trois mats, Lisboa, Azores, Pays bas, péniche, canaux

Islande 2022 N°4 Déambulations belles rencontres et contes populaires Islandais matinés de breves de comptoirs.

Michel RAVITSKY

J'ai finalement atteint ce lac par l'autre coté, qui n'a du reste rien d'exceptionnel, car la 225 a fini par ouvrir.

Décidément, la météo de ce printemps est vraiment inégale. Je redescends sur la route N°1, passe deux jours à faire de l'aquarelle. Puis Vedivotn ouvre et nous décidons avec Jean Marc et Arielle d'y aller.

Il y a des névés partout, ce qui ne nous empêche pas trop de sillonner ces étendues pleines de lacs et de pistes noires. Par contre en fin de la première journée, le temps se dégrade au point que nous décidons de transporter la table dans les... douches du petit camping bien désert. Car comment chauffer le frichti avec un vent à décorner les bœufs et une température qui flirte avec les 5°C maxi ? D'autant plus que ledit frichti consiste en deux filets d'omble chevalier ? (Artic trout, offert par les pécheurs) cuisinés par votre serviteur sur un lit de pesto rouge, tomates cerise, et grains de maïs, et qu'il vaut donc mieux ne pas se rater

Je pense à Vincent Munier qui va traquer sa panthère des neiges par -20°C et à 4000 m. Cet être est-il encore humain ? Oui sans hésitation, et plus que beaucoup de bipèdes dits civilisés. Le lendemain, Arielle n'a pas beaucoup dormi car sa tente avait des velléités de montgolfière, ce qui n’était pas de son goût, et encore moins propice à un sommeil réparateur. Nous faisons encore quelques tours en voiture, et marches, puis décidons de redescendre car le vent ne se calme pas.

A Hrauneyar, nous faisons une escale chocolat chaud et Arielle retrouve le patron de cet hôtel, qu'elle connaît bien (le patron, pas l’hôtel : suivez !) hôtel où je m’étais pris un manche en demandant à me doucher l'an passé. Elle est invitée à y dormir et c'est douches à gogo pour tout l’équipage de B612 ! Ah mais ! Plus confortable pour elle que cette tente fluctuante. Moi, je me suis trouvé un coin pour garer B612 au calme près d'une gorge profonde. Nous passons deux jours à explorer les environs et à découvrir des gorges et des cascades belles comme tout. On s'offrira même le luxe d'un breakfast copieux à l'abri d'un refuge fermé, sauf qu'à peine installé le vent tourne et nous gratifie de frisquettes rafales : le thé est bien dur à chauffer dans ces conditions.

 

Il y a parait-il 10.000 cascades en Islande, donc j'ai encore de la marge...

Nous sommes deux soeurs jumelles, nées sous le signe des Gémeaux

Puis on nous apprend que la route qui monte à Jokulheimar (articulez correctement) et à son glacier vient d'ouvrir. On y va. Un désert austère, mais qui incite à la contemplation, puis on arrive devant le refuge, très pimpant et repeint de frais (mais pas encore ouvert).

Nous n'irons pas beaucoup plus loin car des névés barrent la route et ils sont en train de fondre, donc ne porteront pas le poids de B612. Et continuer à pied semble délicat car il y a des rivières à traverser. Donc retour, avec en prime un vent de sable qui rend le désert encore plus inquiétant... mais beau et mystérieux. Il est évident que nous verrons des trolls...

Retour au camping d'Hella pour apprendre le lendemain que la 225 a ouvert. Et hop ! Même si les distances sont courtes, les kilomètres commencent à s'empiler...

En chemin je fais le détour par mon lac, celui que j'avais raté lors de ma nuit mémorable sur le Mont Chauve. L'envie d'approcher au plus près la gueule de ce volcan mythique, dont j'avais vu une éruption en 1980, me titille. Mais toutes les pistes qui montent vers la gueule du loup sont barrées par des névés. A l'entrée de l'une d'elles, je tombe sur un panneau qui dit en substance : « Vous êtes au pied d'un volcan de type explosif dont les éruptions ne donnent pas de signe avant-coureur. Vous pourriez n'avoir qu'entre 30 et 80 minutes pour évacuer la zone en cas d'alerte. La Protection Civile Islandaise vous enverra un texto en cas d'alerte. Donc laissez votre téléphone en marche et vérifier que la sonnerie est bien activée. Mais des éruptions puissantes peuvent interrompre les télécommunications et perturber la réception du GPS, etc... Gloups ! C'est que moi, l'autre nuit, je n'avais pas de réseau sur ma piste qui n'en était plus une, par une mer sans fond et une nuit sans lune (enfin presque : le pari était de caser un morceau des Travailleurs de la Mer)....

J'arrive à Landmanahellir, pleine de névés, avec mon petit lac un peu en hauteur inaccessible car plein de neige. Décidément c'est un printemps tardif... Printemps ? L'après midi, j'aurai quand même des flocons ! Je fais une percée vers Landmanalaugar LE spot touristique, LE must de ceux qui « font » l’Islande : Horreur ! Il y a une noce avec sono. Je redescend illico vers Landmanahellir pour y dormir tranquillement, même si c'est beau là haut.

Le lendemain matin, au moment de partir je vois un SUV Subaru immobile sur un névé au milieu de la route qui rejoint la F225. Il a son châssis gentiment posé sur la neige et deux roues qui font ventilateur. Un croisement de pont, ça s'appelle. A bord, trois jeunes français et une islandaise, plutôt sympas. Je sors mes plaques de désensablement, on creuse sous les roues. Reste maintenant à creuser sous le châssis. Ça va être long car il est bien posé et sur une grande surface. Mais un islandais arrive de l'autre coté et il tire le Subaru consentant par derrière, lequel sort la queue entre les jambes, (et jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrai plus) de ce mauvais pas et de façon corollaire de son slow frotti frotta avec le névé.

Le SUV est une parfaite arnaque de marketing. Un pseudo 4x4 avec la garde au sol d'une voiture ordinaire. (Faut pas que Madame craque sa jupe moulante quand elle monte à bord pour accompagner Monsieur et pousser le caddy à Carrouf le samedi après midi) Donc on croit qu'on a un vrai 4x4 et on oublie que les pistes, ce sont aussi des cailloux... ou de la neige. Bon, mais mes jeunes me gratifient d'une bouteille de crème de myrtilles islandaise pour me remercier, ce qui est une preuve de savoir vivre que j’apprécie. J'ai un doute sur le fait que les myrtilles soient totalement islandaises (un vendeur de souvenirs m'a avoué que les morceaux de lave qu'on met dans le congélateur pour rafraîchir le whisky sans le mouiller, sont Made in China, alors....), mais ça pourrait faire un honnête Kir... si j'avais du vin blanc.

Retour à la cité, mais pas directement car Arielle, par faveur exceptionnelle, m'a donné un spot secret pas loin de la capitale, où je passerai une grosse matinée à randonner. Puis un crochet par Hafnarfjordur où j'avais été en 2019 mais que j'avais un peu oublié. C'est une ville qui a su garder un peu de cachet, qui est légèrement plus à l'abri du tourisme massif que Laugavegur à Reykjavik. Et puis il y a un port, avec quelques voiliers, des coques de Star et de Snipe, voiliers qui furent à la mode entre les années 30 et 50. Et je tombe sur le resto du port, fréquenté uniquement par des ouvriers et des pêcheurs. Que des hommes en jaune, c'est rigolo.

Plat unique mais délicieux : un sauté de porc au caramel avec du riz blanc, et de plus servi à volonté, le tout pour un prix pas touristique. J'avais déjà trouvé une pizzeria fréquentée par des islandais à Hvolvollur, où on mange à volonté des pizza le vendredi pour 2500 Isk.

En sortant du resto, mon œil scanne les voiliers sur les pontons, on ne se refait pas.

J'en repère un, coque alu mais d'un design qui ne me dit rien. Je m'approche. Il a l'air bien construit, mais dans quel pays ? Bien équipé et rien de frimant sur le pont, pas de chrome intempestif ni de gadget de salon nautique. Un peu genre Skantzoura, si vous voyez ce que je veux dire. J'entends du bruit à bord. Je fais toc toc sur la coque.

Une dame sort. On commence à discuter, en anglais. Le courant passe. Je lui raconte ma traversée en solo sur mon Biribi de 8 mètres, en 1980 entre Halifax et Reykjavik, 27 jours de près. Il reste du café chaud dans le carré, elle m'invite. Vu la place que prend le poêle dans le carré, on devine que ce bateau est fait pour naviguer dans le froid, et que la Méditerranée n'est pas son terrain de jeux. En dix minutes on se tutoie, puis on se présente. Elle, c'est Isabelle. Le visage me dit quelque chose, les boucles d'oreilles en particulier. Au bout d'un moment, je demande le nom de famille. Autissier !!! Là je me sens tout petit.

Une peintre de ma connaissance dit souvent "il n'y a pas de rencontre, il n'y a que des rendez vous". Je suis devant une très grande dame de la voile, mais pas que de la voile. Marcheuse (elle a été la première à traverser Kerguelen), romancière. Et présidente du WWF France. Au bout d'une demi heure on s'est trouvé deux connaissances communes (et je n'ai pas parlé de Erik Orsenna, le quasi ami de la famille -j'exagère un peu-, avec qui elle a écrit un très beau livre sur le Grand Sud) : elle me dit "tu sais, les gens qui naviguent au dessus du 50ème, que ce ce soit N ou S, ils se connaissent forcément" Je lui laisse mes coordonnées, en lui faisant toutes les offres de service possibles (non, pas toutes). A suivre.

Mais quelle belle rencontre !

Son bateau va hiverner encore un an en Islande, donc l'an prochain, qui sait ? Je rêve depuis l'an dernier d'explorer les fjords du NW en voilier. Alors continuons de rêver.... Et comme j'ai la fâcheuse manie d'aller au bout de mes rêves....

 

Puis retour à Reykjavik, journée glande et bricolage. Et je décide d'aller voir une cousine qui est en Islande, chez une amie commune, ce que j'ai appris par hasard grâce à ladite amie. Rencontre terne, car icelle cousine a eu la bonne idée d'attraper le COVID en Islande et elle est un peu flapie, même si le plus dur semble derrière. Je sors quand même du cellier de B612 une petite bouteille de Champagne pour fêter la rencontre familiale et remercier Catherine.

Je prends le ferry (très cher) pour traverser la baie de Breidafjordur, une baie magnifique pleine d’îlots et pas tout à fait cartographiée, dixit Isabelle. Exploration en règle des fjords. A un rythme tranquille, qui permet la méditation, l'aquarelle, la rando, la photo, et l’écriture d'icelui blog. Sans oublier non plus de me sustenter.

Au menu ce soir:
Tomates cerise a la croque
Côtelettes d'agneau marinées dans leurs herbes et cuites au BBQ
Patates grenaille a la sarladaise cuites dans leur graisse de canard (car je ne me déplace pas sans ma graisse de canard. Ni sans la mienne non plus du reste, malheureusement, mais elle réduit ici et sans passer par le BBQ... sauf que... ce soir, elle réduira peu)
Fromage bleu genre Danois pas mal du tout
Raisins et leurs carrés de chocolat Lindt noir a la fleur de sel
La musique est de mon camarade Frédéric Chopin, qui nous fait l'honneur de charmer nos oreilles avec ses 14 valses
Et clou du spectacle, le gâteau de ma pâtisserie préférée a Borgarnes ( je commence a avoir mes habitudes : pas bien ça, va falloir changer de pays) lequel mérite bien son nom d'"EPLAKAKA": il n'est p(l)as Kaka du tout.
Pour digérer : un fond de crème de Myrtilles islandaises, cadeau de mes touristes en SUV

Je pense dormir sur le dos cette nuit et ronfler possiblement voire passablement. Mais pas de voisins pour gueuler. Ni de voisine, tout ne peut être parfait.

Le Laki (Où l'on montre que le bilan Carbone de dame Nature, c'est pas top : Laki c'est un énorme champ de volcans qui fut responsable d'une encore plus énorme éruption de volcans en 1763, laquelle causa une famine en Islande et dont les fumées obscurcirent tout le ciel européen, provoquant misère et petites récoltes, au point que les Islandais se targuent que le Laki soit le responsable de la révolution de 89 et du raccourcissement de notre bon roi), le Laki donc, vient d'ouvrir (la route pas les cratères) et on décide avec JM et Arielle de nous y retrouver. Pour arriver à notre point de rendez vous, je tente de passer par les Highlands, mais une piste stratégique demeure obstinément fermée sur un tronçon de 20 km, interdisant la traversée complète des Highlands vers Kirkjubaerklaustur, notre point de rendez-vous. Encore un village islandais qui a plus de lettres que d'habitants. Mais ce lieu a compté une église (Kirk) et deux monastères (Klaustur), un de nonnes et un de moines, et les contes populaires d’Islande, version de Régis Boyer donc sérieuse, et qui de plus reprend la collecte effectuée par Jon Arnason au XIX°, relatent que ces deux monastères opéraient parfois de coupables rapprochements. Une mère sup avec une paire de braie de moine sur la tête au lieu de la cornette réglementaire, ça ne le fait pas trop !

Allez puisque vous avez eu le courage de lire jusqu'au bout, un petit conte : La Perdrix des Neiges (appelée aussi Lagopède)

Il y a un Lagopede caché sur cette image. Trouve-le

Un jour la vierge Marie convoqua tous les oiseaux et leur dit (pourquoi elle?) : vous allez marcher sur des braises (what the fuck ?). La Vierge organisait donc des stages de yoga tantrique et nous ne le savions pas ? Comme les oiseaux étaient cons et qu'ils aimaient la Vierge (c'est dire), ils obéirent, sauf le Lago. Et c'est depuis ce temps là que les oiseaux n'ont plus de plumes aux pattes, sauf notre ami le Lago qui les a gardé. Mais Marie qui n'aimait pas qu'on lui désobéisse (pas commode, la Marie), se fâcha et lui dit « Puisque c'est comme ça, tu seras privé de dessert, tu changeras deux fois par an de livrée, tu seras le plus inoffensif et le plus fragile des oiseaux et tu vivras toujours dans la crainte pour ta vie. Ton ennemi juré sera le faucon qui vivra de ta chair. Mais il culpabilisera un max à chaque fois qu'il te mangera (ça c'est très judéo chrétien coco) et on entendra sa plainte dans toute la lande ». Moralité : la Vierge n’était pas aussi sympa qu'on veut bien le dire. Et du temps où Cro-Magnon (les hommes préhistoriques avaient un instinct que nous avons perdu) vivait dans une grotte, exemple à Lourdes, chaque fois que la Vierge faisait une apparition, pof, elle se prenait un gros coup de fémur de Mammouth sur la tronche. Cette dernière anecdote n'est pas issue des contes populaires mais des "Brèves de Comptoir" de JM Gouriau.

Allez en paix.

Au prochain épisode, tu sauras enfin, ô lecteur insatiable (moi aussi du reste), si les 20km s'ouvrirent à temps ou pas...

 

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